Les unités de méthanisation agricole se multiplient en France. Mais cette technologie soi-disant verte, vendue par Engie et Total, menace les milieux naturels et l’avenir des sols.
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Le 19/03/21
La méthanisation agricole, c’est quoi ?
Une technologie de recyclage qui consiste à produire de l’électricité, du gaz ou du carburant à partir des fumiers d’élevages hors sol, auxquels on ajoute des plantes cultivées exprès pour ça. Cela se passe dans des machines anaérobies appelées « digesteurs », où des bactéries spécialisées, en consommant ces matières organiques, vont produire du méthane et des boues (digestat). Ces boues sont présentées au grand public comme du compost pour l’agriculture, et c’est là où se situe un des problèmes.
4 CONTRE-VÉRITÉS
Pour vendre la méthanisation agricole, les multinationales telles que Total et Engie, leaders du marché en France, ont plein d’arguments positifs. Mais positifs pour la planète ou leur porte-monnaie ?
La méthanisation agricole est une farce de mauvais goût que vont payer très cher nos enfants. Étudions à titre d’exemple les 4 contre-vérités majeures présentées dès 2019 par la Chambre d’agriculture de la Moselle afin d’essayer de répondre aux alertes répétées des 210 associations et collectifs de citoyens qui luttent sur le terrain contre cette technologie :
La méthanisation agricole est « un procédé biologique naturel qui permet de dégrader les matières organiques par des micro-organismes », écrit la Chambre d’agriculture. Le procédé est naturel, c’est vrai. Mais dans les digesteurs d’Engie ou Total, cette dégradation de la matière organique n’est effectuée que par quelques espèces de bactéries spécialisées (méthanogènes). Alors que dans la Nature, cette digestion met en scène plusieurs millions d’espèces (insectes, champignons, bactéries, vers de terre…). C’est ce qu’on appelle la biodiversité – ou la diversité biologique.
De plus, les digesteurs artificiels sont incompatibles avec l’agroécologie, la permaculture et l’agriculture durable car ils confisquent leurs aliments aux petits animaux et micro-organismes qui vivent dans le sol. À cause d’eux, les vers de terre vont bientôt crier famine ! Le 12 décembre 2020, lors de l’émission « Climat, chaud devant » sur France Inter, la directrice de la multinationale gazière Engie a annoncé que toute la nourriture des vers de terre aura été réaffectée en 2050 à quelques espèces de bactéries méthanogènes ! En échange, 100 % du gaz français sera vert et renouvelable.
Bien entendu, elle ne l’a pas dit aussi crûment, et personne ne lui a opposé cette note de l’Inrae publiée le 20 avril dernier : « La mortalité de vers de terre retrouvés à la surface immédiatement après épandage de digestats de méthanisation est un phénomène qui pose question… »
La méthanisation agricole peut « se targuer d’un bilan carbone neutre quand on met dans la balance la construction, le fonctionnement, le transport et la production des cultures dédiées… Certaines installations, gérées au plus fin, ont même un bilan carbone positif », affirme la Chambre d’agriculture. Sauf que, dans un document en ligne, Jean-Pierre Jouany, directeur de recherche honoraire à l’INRAE, et vice-président du Groupe scientifique de réflexion et d’information pour un développement durable, écrit le contraire : « Le bilan CO2 de la méthanisation n’est pas neutre et ne conduit pas à une réduction des gaz à effet de serre (…) Dès lors, l’activité agricole et le processus de méthanisation auquel elle est associée, analysés dans leur globalité, consomment davantage d’énergie qu’ils n’en produisent. »
L’humus, lui, produit « un gaz à effet de serre puissant qui contribue au réchauffement climatique. Il a un impact sur l’effet de serre 25 fois supérieur au dioxyde de carbone (CO2) », prétend la publicité.
L’humus, cette fine couche supérieure du sol, là où la majeure partie de la biodiversité animale et végétale se nourrit, cette source de jouvence de la vie terrestre contribuerait au dérèglement climatique ? Les défenseurs de la méthanisation agricole n’ont vraiment peur de rien. Sans humus, la vie sur la terre ferme n’est pas durable. Même l’érosion des sols prend sa source dans l’absence d’humus ! Et eux nous disent qu’il est le problème et la méthanisation la solution.
Un désert est l’exemple type d’un sol sans humus. La folie de la méthanisation agricole est finalement de vouloir changer le fonctionnement naturel des écosystèmes, alors qu’un écosystème cultivé – ou pas d’ailleurs – dépend de la qualité de son humus.