La cour administrative d’appel de Nantes annule l’autorisation pour le parc éolien de Barville-en-Gâtinais et Egry (Loiret)
16 février 2022
La cour administrative d’appel de Nantes annule l’autorisation pour le parc éolien de Barville-en-Gâtinais et Egry
La République du Centre
Publié le 09/02/2022 à 11h59
Ce projet de huit éoliennes, développé depuis 2016 par le groupe Abo Wind, « porte une atteinte excessive aux paysages », ont estimé les juges, donnant raison aux opposants.
Les opposants aux éoliennes de Barville-en-Gâtinais et Egry, dans le Pithiverais, viennent de remporter une grande victoire, après des années de mobilisation : dans un arrêt du 5 janvier 2022 tout juste rendu public, et révélé par le site actu.fr, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé l’arrêté d’autorisation environnementale du 17 janvier 2020.
Le projet
Le projet a été initié en 2016 par la société allemande Abo Wind, via une filiale, la Centrale de production d’énergies renouvelables (CPENR) de Barville-en-Gâtinais et Egry. Il prévoit la construction de huit aérogénérateurs, d’une hauteur maximale de 188 mètres. Dans le détail, cinq machines sur le territoire de Barville-en-Gâtinais et trois à Égry, des deux côtés de la RD 950.
La hauteur de ces machines était l’un des points ayant fait bondir les opposants, mobilisés à partir de 2019, via notamment une pétition qui avait recueilli plus de 300 signatures.
L’enquête publique
L’enquête publique s’était déroulée en septembre et en octobre 2019. Dans ses conclusions, favorables, le commissaire-enquêteur estimait que « le nombre des éoliennes limité à huit et leur orientation participent à la bonne intégration du projet en limitant l’empreinte visuelle ».
La mission régionale d’autorité environnementale (Mrae) avait seulement assorti son avis de deux recommandations, sur le bridage des machines et sur l’impact acoustique ; mais pas sur l’intégration paysagère du projet.
Elle notait néanmoins que « le parc éolien sera proche de la maison forte de Gaudigny, monument historique inscrit dans le village d’Egry. De même, plusieurs éoliennes seront visibles depuis le sommet des tours de la forteresse de Yèvre-le-Châtel. Aucune compensation n’est cependant prévue« .
Les recours
L’arrêté délivré le 17 janvier 2020 a fait l’objet de recours, notamment portés par deux associations, Sauvegarde du patrimoine et qualité de vie du Beaunois, et l’Association locale pour la sauvegarde des paysages, du patrimoine et de l’environnement.
Des particuliers possédant des priorités aux alentours étaient aussi associés. Dont la veuve de l’artiste Zao Wou-Ki, décédé en 2013, qui possédait la Maison-forte de Gaudigny, partiellement inscrite au titre des monuments historiques (elle a revendu la propriété fin 2020).
Une propriété située à 800 mètres de l’éolienne la plus proche, « en situation d’importante covisibilité avec les éoliennes, lesquelles sont également particulièrement visibles depuis la propriété », souligne la cour.
Les communes de Beaune-la-Rolande et de Boynes s’étaient aussi associées au recours, mais la cour administrative d’appel de Nantes précise qu’elles « ne justifient pas d’un intérêt pour contester l’arrêté du 17 janvier 2020″.
Les conclusions de l’arrêt
La cour administrative d’appel de Nantes conclut ceci :
Le parc éolien autorisé qui a un impact important sur la perception visuelle de plusieurs monuments protégés et sur les perspectives offertes depuis ces sites, porte une atteinte excessive aux paysages et à la conservation des sites et des monuments et donc aux intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement.
Parmi les arguments à l’appui de cette conclusion, les juges écrivent que « les huit éoliennes constituent des points de fixation visuels importants qui viennent concurrencer ces clochers (l’église Saint-Martin de Beaune-la-Rolande et l’église Saint-Pierre de Boynes, classées au titre des monuments historiques, ndlr), dans un rapport d’échelle défavorable à ces monuments historiques, notamment depuis la route de Saint-Loup-des-Vignes menant au bourg de Beaune-la-Rolande et depuis la route de Pithiviers conduisant au bourg de Boynes ».
Vingt-six monuments historiques ont été recensés dans l’aire d’étude du projet, rappelle la cour administrative d’appel de Nantes.
Elle rejoint, dans ses conclusions, l’avis de l’architecte des bâtiments de France qui estimait en 2019 que « s’agissant de la vue depuis le belvédère des tours du château d’Yèvre-le-Chatel, la ripisylve ne suffira pas à masquer des éoliennes très hautes », que « l’encerclement de ce site extraordinaire et unique pour le Loiret banalisera son environnement ».
« La multiplication des ponctuations horizontales hautes (188 mètres) créées par les éoliennes sur une plaine dégagée dévalorise le site touristique et patrimonial ainsi qu’un paysage exceptionnel ».
L’architecte des bâtiments de France
La cour d’appel de Nantes ferme aussi la porte à toute autorisation modificative : « Le vice relevé (…) est lié à l’emplacement même retenu par la société CPENR pour implanter son parc éolien. Il entache d’illégalité l’arrêté attaqué dans sa totalité ».
La société et l’Etat devront verser 1.000 euros chacun aux requérants. Abo Wind (que nous n’avons pas pu joindre ce mercredi matin) dispose encore d’un recours possible, le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.
Dimitri Crozet